Ce
furent les jeunes
qui décidèrent de mener ce grand voilier vers des expéditions plus
lointaines, plus aventureuses, en mer Rouge et à
travers l’Atlantique. "On
n'a pas de bonnes voiles ?
Allez, on met des draps et on y va !"
En
pleine nature et sous des latitudes clémentes, le bord connut le
naturisme. Ce
fut encore la hardiesse des jeunes qui
le lança :
à la traîne derrière le bateau, la mer arrache les maillots ; on
remonte à bord tout nu, c'est rigolo... Ah, faut
manœuvrer ! On
y file, comme ça... Puis, l'habitude s'en prend, en mer, quand le
temps y invite... L’époque (70/80) aussi y invitait : le naturisme
gagnait dans les
familles, les vacanciers en bateau, parents et enfants,
s’y
adonnaient largement. Des colonies de vacances aussi. Des reportages
sur l'Ecole en Bateau passèrent dans les programmes pour jeunes des
grandes chaînes de
télévision, sans devoir censurer ces moments.
Aucune obligation à bord, cependant. Quelques uns ne se mirent jamais
nus devant les autres. Pudeur respectée. Mais, quand le lieu et le
temps le permettaient, la plupart
des nouveaux
imitaient les anciens.
Aujourd’hui, cette évocation gêne, inquiète, même.
Evolution
des
mœurs ressentie à bord, que de nouveaux jeunes
importèrent vers la fin
des années 80, limitant peu à peu la
nudité aux bains en pleine mer et à la toilette.
Ce
furent des filles qui introduisirent
la mixité. Lors
de réunions d'information dans les écoles, elles réclamèrent de
participer
également à ces
expéditions.
- Pourquoi pas nous ? Et les filles de la Rochelle, alors ?
Leur effectif
à bord et son évolution témoigne du lien entre Ecole en Bateau et
société :
- Les premières arrivent début 75, venant d'écoles
"alternatives"
moins inquiètes d'une mixité dans le monde encore très masculin du
bateau. La navigation se faisait alors surtout en Méditerranée, bordée
de
pays relativement proches et stables.
- Puis, en 85-86, le
bateau passa en mer Rouge et en Turquie. Plus loin, plus inquiétant
pour les familles.
Aussi, les filles disparurent-elles.
- Vint le projet de
partir pour les Amériques. Une fille rejoignit le bateau mais,
sous pression paternelle, dut
le quitter avant la traversée océanique de 89.
- Quelques années de navigation sans histoire du Karrek
Ven en Amérique firent réapparaître des filles. Pas pour longtemps : un
terrorisme mondial faisait parler de lui, les procès en pédophilie se
multipliaient, la crainte revenait... et les filles s'envolèrent !
D'autres organisations avec des jeunes en bateau ne souffrirent pas de
ce "yo-yo" féminin. Mais c'est que leur bateau partait de France ou
d'un pays voisin, pour une
période bien
limitée de quelques mois, et revenaient au point de départ. L'Ecole en
Bateau, au temps de séjour non défini à l'avance, et
à
rejoindre
seul(e) outre-Atlantique, pouvait
faire
peur : les "écoles alternatives" fermaient, les "écoles nouvelles"
rognaient leur "nouvelleté", la
population n'était plus celle des années 70, les filles ne
parvenaient plus à convaincre leurs parents... (l'effectif de
candidats garçons aussi diminua).